L'ex-Président de la République, Jovenel MOÏSE, a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, en sa résidence privée de Pèlerin 5, non loin de Pétion-Ville.
Entre le 7 juillet 2021 et aujourd'hui, janvier 2025, cela fait plus de trois (3) ans, soit précisément quarante-deux (42) mois depuis que des politiciens et des "oligarques corrompus" (terme propre à Jovenel MOÏSE), en accord visiblement avec une frange de la communauté internationale, ont décidé d'éliminer physiquement un chef d'État encore en fonction, après l'avoir diffamé et lapidé dans la presse, afin de mieux préparer les esprits et l'opinion publique au crime qui allait se produire cette nuit-là.
Il ne fait aucun doute que toutes sortes de tentatives ont été faites depuis lors pour brouiller les pistes, y compris les disparitions successives de dossiers incendiés, bousillés, violés, pillés, vandalisés, au Parquet de Port-au-Prince. Alors que tout cela aurait dû pousser la justice haïtienne à trancher rapidement, ce crime sauvage, qui marquera longtemps notre société, reste impuni.
Nous en sommes tellement marqués que, plus de trois (3) ans plus tard, non seulement la justice continue de piétiner, mais la population haïtienne tout entière a quasiment payé de son sang les conséquences de cette déstabilisation politique et socio-économique cruelle, qui ne profite en réalité qu'à ceux qui seraient probablement les maîtres du crime et leurs complices.
Toutes les classes socio-professionnelles ont été affectées entre juillet 2021, mois du crime contre Jovenel MOÏSE, et ce 7 janvier 2025. Enlevées, battues, humiliées par les gangs, enfermées chez elles comme de vulgaires prisonniers, tandis que les chefs de gangs et leurs alliés continuent de circuler en toute impunité. Il ne nous reste comme bouée de sauvetage que cette nouvelle invention de l'hélicoptère-taxi, qui n'a que faire de nous, de notre condition ou de nos urgences de déplacement en province. Si l'on ne dispose pas de 3 200 dollars US, on meurt sur place, criblé de balles, calciné, livré à nous-mêmes, sans le minimum de service social ou public.
"Nous mourrons tous..."
dirait Jacques Roumain, auteur de Gouverneurs de la Rosée.
Entretemps, selon les rapports des institutions internationales, plus de 5 000 personnes ont été assassinées, rappelant les temps du coup d'État de 1991 à 1994, et la grave crise politique de février à avril 2004, consécutive au putsch contre le Président Aristide.
Soit un total de 15 000 morts au minimum enregistrées lors de ces trois moments politiques différents dans notre pays :
1991-1994 (6 000 morts)
2004 (plus de 4 000 morts)
2021 - janvier 2025 (à ce jour, on parle de 5 000 morts).
Par ailleurs, selon l'OMS et l'Organisation internationale de la Migration, 11 000 personnes ont été obligées de fuir leur domicile pour se retrouver exposées à toutes sortes d'humiliations, soit dans leur pays, chez des amis, des parents, des voisins, dans des camps de fortune, ou à l'étranger.
La communauté internationale, qui gère tout et son contraire dans notre petit pays mis à genoux, fournit des chars blindés aux institutions policières pour combattre, dit-on, l'insécurité, tandis que les gangs reçoivent des contre-chars blindés dans un pays dont toutes les frontières — maritimes, terrestres ou aériennes — sont fermées, et où l'État est quasiment sous embargo. Exactement comme en 1993-1994.
En matière de coopération, on donne à Haïti le poison et aux gangs l'antidote. On donne à Haïti la solution, et aux gangs hyper-équipés, le problème. Les gangs préparent des pépinières pour former les futures générations à leur image, perpétuant une chaîne de souffrances.
Depuis l'assassinat de Jovenel MOÏSE, les gangs contrôlent les frontières, la mer, les voies terrestres, et même les airs. Ils contrôlent aussi la communication publique et stratégique.
De fait, quel est le plan pour Haïti ?
Quel est le projet ?
Quelles sont les perspectives, et surtout, qu'est-ce qui se passe exactement dans la tête du "Blanc", du "Boss", pour orchestrer un tel supplice avec la complicité de nos élites nationales, qui finissent elles aussi par en mourir ?
Pourquoi traiter nos compatriotes comme des moins que rien, des sauvages, des barbares, des illettrés, des idiots ?
Pourquoi acceptons-nous de jouer ce jeu macabre avec nos ennemis traditionnels, simplement pour leur faire plaisir ?
Pourquoi tant de souffrances infligées à tout un peuple qui ne le mérite pas, même si nos propres élites — politiques, économiques, intellectuelles — sont souvent coupables, avec les mains sales de sang, comme le disait Jean-Paul Sartre ?
À quoi sert l'État dans cette mascarade de démocratie adaptée à Haïti, dans ce jeu où le maître du gâteau change, mais le gâteau reste le même ?
Entre le Kenya anglo-saxon, la Caricom composée d'anciennes colonies anglaises prenant le relais de la néo-colonisation haïtienne, et la Jamaïque (anglophone) avec ses pirates de mer, tentant de contrôler la circulation de la drogue et des armes dans la mer des Caraïbes, Haïti pourrait bien devenir l'arrière-cour du Royaume-Uni, purement et simplement. Et la langue anglaise alors ? Parlera-t-on bientôt anglais ?
Le voisin américain, lui, connaît bien l'anglais. Mais même sans notre langue française en déclin, il comprenait nos cris et notre chaos. Un chaos dangereux pour cette région, pour le continent, et au-delà.
Que faisons-nous de la question linguistique ? Comment peut-on être l'arrière-cour du pays le plus puissant du monde et crever comme des chiens ? La guerre entre le Nord et le Sud, entre l'Ouest et l'Est, ne date pas d'hier. Et le problème n'est pas seulement de notre ressort. Mais, qui sont ces mains invisibles ?
Ce sont autant de questions, autant de petits points à l'infini...
Au-delà de tout cela, et en particulier de l'assassinat inacceptable de Jovenel MOÏSE pour lequel on attend toujours justice, je me demande souvent, en voyant l'implantation de ce nouveau plan macabre sous nos yeux : qu'a fait Jean-Jacques Dessalines, au-delà du 17 octobre 1806, pour que ses descendants paient aujourd'hui un tel prix, 220 ans plus tard ?
Quelle est cette forme de Nouveau Monde qu'on veut nous infliger ? Et, pour finir, Jovenel MOÏSE aurait-il été un obstacle quelconque à la réalisation de ce plan macabre en cours ?
Justice pour Jovenel MOÏSE !
Pradel Henriquez
Ancien ministre de la Culture et de la Communication
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