La Rédaction de Haiti Press Network a publié pour cette fin d’année une serie d'articles résumant l’actualité qui a marqué 2024 désormais inscrit dans les mémoires et dans le passé. Cependant, le pays va continuer son chemin avec d’autres événements pour compléter l’histoire de notre transition politique qui n’en finit pas pour répéter notre collègue à Le Nouvelliste Pierre Raymond Dumas. Haïti, pour cette nouvelle année 2025 va devoir opter pour la durabilité en évitant les solutions cosmétiques qui n’ont pas donné, qui ne donnent pas et qui ne donneront jamais de résultats dans un Pays où tout est prioritaire.
Parmi les grandes priorités qui attendent le Gouvernement pour l’année 2025, il y a les élections, le référendum sur la nouvelle Constitution, la Conférence Nationale, la réforme et la redynamisation de l’Administration publique amputée, la sécurité, et enfin l’insécurité alimentaire qui menace plus de la moitié de la population. Certainement, les ministres ont chacun une feuille de route pour répondre à ces problèmes, mais des feuilles de route sans débat démocratique et dans les conditions que l’on connait cela ne veut rien dire.
Les élections
S’il existe une raison pour laquelle ce gouvernement a pris naissance c’est précisément pour organiser des élections inclusives, transparentes et démocratiques avec certainement la participation massive des électeurs potentiels. La Grande réflexion c’est évidemment comment s’y prendre avec le problème d’accès sur les grands axes routiers bloqués par des hommes armés et avec autant d’armes à feu en circulation ? Faut-il faire fi des organisations des droits humains et balayer les zones de refuges des gangs armés où doit-on trouver les moyens pour ouvrir le dialogue ? Mais pour ce faire, le gouvernement doit se mettre en position de force, car on ne peut négocier avec des hommes armés qui contrôlent plus de 80% de la région métropolitaine de Port-au-Prince la Capitale. Dans ces conditions, les moyens de contraintes et de dissuasion sont nécessaires pour récupérer les territoires perdus, faciliter la relocalisation des déplacés et reconstituer les circonscriptions électorales. Des travaux herculéens pour espérer organiser des élections pour renouveler le personnel politique en moins de 12 mois. Il y a également le problème d’identification et d’impression de cartes électorales. Après les déplacements en grand nombre de plusieurs milliers de citoyens dans la région métropolitaine, des milliers de cartes ont disparu dans les flammes. Il faut trouver les moyens de repositionner ces électeurs et remettre de l’ordre dans le système. Plus d’un quart de ces déplacés se trouvent en province.
Le référendum
Il ne s’agit pas seulement d’organiser des élections mais encore un Référendum pour doter le Pays d’une Nouvelle Constitution. Cela va sans dire que les débats seront importants pour permettre à la population de consommer le texte et faire un choix judicieux et éclairé. Les médias ne suffisent pas pour alimenter ce débat il faudra aller vers les étudiants, vers les organisations de base évidemment les partis politiques. Cette structure est fondamentale dans l’organisation des élections et ce Référendum vital pour l’avenir de notre démocratie. La sensibilisation et l’éducation au civisme avec une machine de communications seront nécessaires pour l’organisation de ces scrutins populaires.
La Conférence Nationale
Une Commission dirigée par l’ancien Premier ministre Enex Jean Charles est mise en place pour mener les travaux préparatifs devant conduire à cette Conférence Nationale tant prônée par les structures politiques de Centre gauche. Elle est également attendue par une grande majorité de la population qui soupire à une vie harmonieuse dans la diversité ; une vie civilisée où les grandes questions doivent être réglées par l’arme de la dialectique à coup d’arguments et non dans le désordre organisé et la banalisation de la vie publique. Le secteur privé des affaires, les politiques, les Universités, les organisations communautaires de base (OCB), la Presse, les organisations de la société Civile doivent se mettre autour d’une table pendant plusieurs jours de discussions avec des ateliers thématiques pour trouver un Modus Operandi gagnant sans langue de bois et sans malice pour ramener le pays à une vie normale. Ce chantier est aussi important pour trouver la sérénité pour la réalisation des élections. Les électeurs doivent se sentir en confiance en se rendant aux urnes sans crainte de nouvelles fusillades meurtrières.
La Réforme au sein de l’Administration publique et Redynamisation
Ce chantier n’est pas à négliger. C’est le secteur des services qui ouvrent la voie vers de nouveaux investissements mais encore vers la création d’emplois dans le Pays où il est difficile pour nos économistes de parler de chômage tant la situation est critique. L’Administration publique est désertée et vidée avec les programmes humanitaires de migration vers les Etats-Unis d’Amérique du Nord. C’est l’inertie totale dans les institutions publiques ; difficile de ramasser les ordures qui remplissent les villes. La sécurité est évidemment le secteur le plus affaibli avec le départ de centaines d’agents des forces de l’ordre et de la Police Nationale. Plusieurs d’entre eux sont aussi démobilisés compte tenu des risques à encourir dans un métier qui ne garantit pas une carrière et un avenir serein avec la montée du banditisme dans le Pays. Le Gouvernement Boniface Alexandre et Gérard Latortue avait trouvé la formule pour retenir les cadres de l’Administration avec une augmentation significative des salaires mais aussi l’adoption de lois qui empêchent des vagues de révocations sans motifs valables. C’était un grand coup ! Comment trouver la nouvelle formule pour cette situation aussi complexe et inédite. Garry Conille avait entamé des démarches dans ce sens mais sans réel succès. Ce sera donc au gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé de trouver l’énoncé magique pour redynamiser ce secteur vital et stratégique à la relance de l’économie du Pays.
La Sécurité : un difficile et périlleux chantier
Ce chantier a pris diverses formes. Il est étatique ; il est d’ordre social et économique ; il touche également le crime et la délinquance. Il est si complexe qu’il a traversé plusieurs gouvernements et des années sans être résolu. Un Chantier aussi difficile ne peut exister de lui-même, il y a certainement une main qui est aux commandes. Il est chuchoté mais personne n’ose mettre le doigt dans la plaie car elle est baignant. Des chefs de gangs sanctionnés par les grandes démocraties mais qui discutent avec des diplomates de haut rang en mission en Haïti. C’est inédit n’est-ce pas ? Des gangs arrêtés en flagrant délit sont ensuite récupérés par des employés d’ambassades aux vues et aux sus de tous. Mais il ne s’agit pas seulement de cela, car l’instabilité politique facilite le trafic de la drogue dans plusieurs régions du Pays notamment dans l’Ouest, le Nord-Ouest, le Sud-Est et le Sud sans oublier le Plateau central devenu une nouvelle plaque tournante dans ce trafic illicite très lucratif.
Pour exécuter leurs forfaits, les criminels utilisent la pauvreté et la misère des jeunes en situation de délinquance dans les quartiers populaires. Ils les recrutent pour affronter les forces de l’ordre alors que les grands barrons de la drogue courent ces quartiers dans des SUV 4x4 blindés sans aucune inquiétude. Depuis plus de 5 ans, aucun des grands chefs de gangs n’a été arrêté encore moins maitriser mortellement. Il n’y a que les lieutenants qui laissent leur peau. Au-delà de ces considérations, il faut souligner la gangstérisation de la Police. Jimmy Chérisier, porte-parole de la coalition criminelle « Viv Ansanm » et ancien policier, l’a dénoncé à plusieurs reprises. Il a déclaré à un journaliste étranger que 8 policiers sur 10 font partie des gangs. Cela a soulevé plusieurs d’entre eux qui voulaient à prix éliminer « Barbecue » alors que d’autres chefs de gangs fonctionnent sans aucune inquiétude. L’objectif a été clair : faire taire Jimmy Chérisier qui menace par ses déclarations l’organisation criminelle impliquant plusieurs centaines d’agents de la PNH. Pour le garder en vie, ses pairs l’ont sanctionné de ne plus prendre la parole dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux.
Dans l’Artibonite, la Police et la MMS ont mené des opérations intensives pour essayer de démanteler le gang de Savien. Ces opérations qui sont menées avec l’aide de la population vont-elles suffire à stopper l’insécurité dans la région et dans le pays ? Certainement non ! Il faudra un peu plus. Le Conseil national de sécurité doit regrouper plusieurs entités capables de toucher tous les aspects et secteurs concernés par ce phénomène. Les sociologues, les leaders communautaires et religieux, les experts en droits humains et en crime organisé, les économistes seront utiles. Cette question sécuritaire demande une grande créativité et l’esprit d’ouverture de la part du gouvernement et des responsables en sécurité publique pour trouver la formule de sortie dans ce grand labyrinthe. La commission nationale de désarmement, démantèlement et réinsertion (CNDDR) peut aussi aider néanmoins des méthodes différentes.
L’insécurité alimentaire
Enfin, il y a l’insécurité alimentaire. On connait le dicton « Ventre affamé n’a point d’oreilles ». On peut tout faire si la population ne trouve pas les moyens de se nourrir copieusement ce n’est que peine perdue. Le Gouvernement devra toujours les moyens pour jouer sur le court, le moyen et le long terme pour répondre aux urgences humanitaires et préparer la grande période de récolte pour sortir de l’assistanat des ONG. Le Pays au point de vue alimentaire est trop assisté. Cela tue la paysannerie et les agriculteurs qui dépensent en logistiques agricoles et qui ne peuvent jouir des bienfaits de leurs efforts. Des tonnes de riz sont déversés sur le marché haïtien à des prix exorbitants qui défient les petites bourses. Les gens mangent de manière aléatoire sans aucune régularité, Certaines témoignent prendre un repas par jour, cela après de grandes démarches. Plus de six millions de nos frères souffrent de la faim. C’est extrêmement grave. Les transferts venus de l’étranger sont les principales ressources qui permettent à l’autre moitié de rester en vie. Hormis la créativité des petites bourses qui pratiquent le Sabotage qui consistent à faire circuler l’argent d’une personne à une autre pendant une journée, une semaine ou un mois. Le Sol est devenu la grande source de survie de milliers d’Haïtiens. Le Gouvernement aura pour mission de régulariser cette pauvreté déguisée frôlant la misère.
2025, doit insuffler de nouvelles idées et permettre à la nation de respirer mieux. Les décisions doivent être courageuses car il y aura des mécontents parce que tout simplement on ne pourra pas répondre aux désidératas de tout le monde. Les chantiers seront nombreux et il faudra plus de temps pour résoudre cette énorme équation qui demande de la réflexion mais aussi de la flexibilité dans la fermeté. Trouver le bon dosage reste toujours le plus grand défi. Les actions ne servent à rien si on n’a pas la vision souhaitée et le courage nécessaire pour rassembler tout le monde en évitant les clics d’amis qui cherchent à couper une part du gâteau malgré la misère visible du peuple. Dans ce contexte-là, il ne reste qu’à vous souhaiter, comme d’habitude, bonne année 2025 !
Eddy Trofort
Journaliste
47272491
Comments